Thérèse de Lisieux et le Feu de l’Amour


Thérèse de Lisieux et le Feu de l’Amour

« O Jésus mon Amour… ma vocation enfin je l’ai trouvée, ma vocation, c’est l’Amour ! Oui, j’ai trouvé ma place dans l’Eglise, et cette place, ô mon Dieu, c’est vous qui me l’avez donnée… dans le Cœur de l’Eglise, ma Mère, je serai l’Amour… ainsi je serai tout… ainsi mon rêve sera réalisé !!!… » (MB 3v°)
Voici le cri qui jaillit du cœur de sainte Thérèse de Lisieux après avoir cherché une réponse à ses désirs et espérances et qui touchaient à l’infini. Ce cœur sentait en lui le besoin de réaliser pour Jésus toutes les œuvres, même le plus héroïques. Que ce soit le ministère sacerdotal, ou les missions en terres lointaines, ou même le versement de son propre sang pour son Divin Epoux, rien n’échappait aux aspirations de cette jeune carmélite au cœur brûlant. Ce n’est qu’en tombant sur le chapitre 13 de la première lettre de saint Paul aux Corinthiens que le martyr intérieur venant de ses désirs a trouvé un apaisement. Comprenant que l’amour était au-dessus de tous les dons, et que c’était lui seul qui, en embrasant l’Eglise en son cœur même, rendait possible toutes ces œuvres auxquelles elle aspirait, Thérèse a finalement découvert que sa vocation à elle était de se fixer dans cette source éternelle et brûlante qu’est l’amour. Sa vie cachée au Carmel de Lisieux serait profondément féconde, portant des fruits pour toute l’Eglise et l’humanité, justement parce que vécue constamment à partir de cet élan de charité pour son bien-aimé et pour les âmes.
« Aimer Jésus et le faire aimer » (Lettre 220), voilà le sens de toute sa vie. « Aimer jusqu’à mourir d’amour » (MC, 7v°), voilà son plus grand désir. Thérèse voulait vivre constamment embrasée par le Feu de l’amour de Dieu ; elle voulait que ce feu la consume toute entière et qu’il soit à l’origine de tous ses actes. « Voici ma prière, écrit-elle, je demande à Jésus de m’attirer dans les flammes de son amour, de m’unir si étroitement à Lui qu’Il vive et agisse en moi » (MC 36r°). Le plus petit acte devrait alors être vivifié par la plus ardente charité et elle ne manquerait aucune occasion de prouver son amour pour Celui que son cœur aimait, au point de Lui dire : « Je n’ai d’autre moyen de te prouver mon amour, que de jeter des fleurs, c’est-à-dire de ne laisser échapper aucun petit sacrifice, aucun regard, aucune parole, de profiter de toutes les plus petites choses et de les faire par amour… » (MB 4r°-v°). Thérèse ne savait chercher autre chose que cela. Vivre d’amour était pour elle une règle de vie.

Elle avait compris que Jésus avait soif d’amour et qu’il n’attendait de nous rien d’autre que l’amour. Elle avait compris également qu’il ne nous serait possible de Lui donner ce qu’Il désirait que si Lui-même, « Jésus, ce Feu Divin « qui brûle sans consumer » » (MA 38v°), ne daignait nous embraser. « Oui, pour que l’Amour soit pleinement satisfait, il faut qu’Il s’abaisse, qu’il s’abaisse jusqu’au néant et qu’il transforme en feu ce néant… » (MB 3v°). C’est pourquoi notre petite sainte a décidé de s’offrir comme victime d’holocauste à l’amour miséricordieux de Dieu, le suppliant que cet amour la consume sans cesse, et qu’il déborde jusqu’à ce que finalement il la fasse mourir d’amour (cf. Prière 6).

Mais ne pensons pas que Sainte Thérèse cherchait à vivre une sorte relation intimiste, égoïste et close, avec Jésus, dans l’oubli de tout le reste. Non. Comme nous l’avons évoqué plus haut, si Thérèse voulait être embrasée d’amour, c’est parce qu’elle savait qu’une fois sous l’emprise de ce Feu Divin, elle pourrait le répandre sur les âmes, et que celles-ci, se laissant entraîner, aimeraient Dieu de ce même amour. Elle disait à son Céleste Epoux, sous la forme poétique :

« Rappelle-toi de la très douce Flamme
Que tu voulais allumer dans les cœurs
Ce Feu du Ciel tu l’as mis en mon âme
Je veux aussi répandre ses ardeurs
(…) Que je veux, ô mon Dieu
Porter au loin ton Feu
Rappelle-toi » (PN 24, 17)

Aussi disait-elle : « Ô mon Dieu ! Trinité Bienheureuse, je désire vous Aimer et vous faire Aimer, travailler à la glorification de la Sainte Eglise en sauvant les âmes qui sont sur la terre et délivrant celles qui souffrent dans le purgatoire » (Prière 6). Loin d’avoir une spiritualité centrée sur elle-même et sur ses sentiments, Thérèse de Lisieux s’immolait pour le salut des âmes et pour l’Eglise, et le feu qui consumait jour après jour son sacrifice n’était autre que l’amour miséricordieux de Dieu. C’est ainsi que cette jeune normande qui a mené une vie toute simple a assurément contribué au salut d’une multitude de personnes, et continue à le faire.

Ayant vu combien sainte Thérèse de Lisieux aspirait à aimer Jésus et à le faire aimer, et combien elle a pu le vivre grâce Feu Divin qui l’embrasait, la conduisant ainsi à travailler efficacement au salut des âmes et au bien de l’Eglise, nous pourrions avoir une réaction à la fois d’admiration et de découragement, en nous disant : « que c’est beau tout ce qu’a dit et vécu la petite Thérèse, l’amour qui l’embrasait et tout… mais moi, je ne suis pas comme cela. Je n’éprouve ni les mêmes désirs infinis ni le même amour ardent pour Jésus… » Eh bien, Thérèse nous répondrait sûrement comme elle l’a fait à l’une de ses sœurs qui avait eu cette réaction, disant que « pour aimer Jésus, être sa victime d’amour, plus on est faible, sans désirs, ni vertus, plus on est propre aux opérations de cet Amour consumant et transformant… le seul désir d’être victime suffit, mais il faut consentir à rester pauvre et sans force… » (LT 197). Ce n’est qu’en nous sachant pauvres et incapables d’aimer notre Seigneur comme Il le mérite, en acceptant humblement ce fait, que nous pourrons Le regarder avec une pure espérance, pleine de confiance et d’abandon, étant ainsi aptes à recevoir ce feu dévorant qui nous consumera tout entiers, et qui nous transformera en feu, comme il l’a fait avec Thérèse. Acceptons de rester pauvres devant le Seigneur, acceptons notre néant et ne fuyons pas la sensation gênante d’être en silence devant Dieu, même si la conscience de l’abîme qu’il y a entre l’amour surabondant qu’il nous offre et la médiocrité de la réponse que nous sommes capable d’y apporter nous dérange… Que cette conscience nous conduise plutôt à la confiance illimitée en Celui qui sait de quoi nous sommes pétris et qui est tendresse et pitié (cf. Ps 103, 8.14). « Oh ! que je voudrais pouvoir vous faire comprendre ce que je sens !… C’est la confiance et rien que la confiance qui doit nous conduire à l’Amour. » (LT 197) Persévérons donc dans l’oraison, dans le contact intime et simple avec le Seigneur, dans le regard d’amour et d’espérance porté vers Lui, car c’est « l’oraison, dit Thérèse, qui embrase d’un feu d’amour » (MC 36 v°).

Frère Leandro Salles da Costa, cmes.

Abréviations:
MA : Manuscrit autobiographique A
MB : Manuscrit autobiographique B
MC : Manuscrit autobiographique C
r°: recto; v°: verso
LT : Lettre
PN : Poésie