Le Christ est ressuscité alléluia ! Il est vraiment ressuscité alléluia, alléluia!


« Le Christ est ressuscité ! Il est vraiment ressuscité ! »

 

La bonne nouvelle du matin de Pâques, l’heureuse nouvelle, cause de notre joie, va bientôt retentir; le Christ Jésus, mort sur la croix le vendredi, reposant dans le tombeau le samedi, sort du tombeau, victorieux de la mort et des ténèbres. Le tombeau n’a pu garder prisonnier le Maitre de la vie, Celui qui est en personne la Voie, la Vérité et la Vie.

 

Ce cri triomphal est le coeur de la foi chrétienne. « Jésus est Seigneur ! », proclamaient les premiers chrétiens. Le kérygme, sorte de proclamation primordiale de l’essentiel de la foi, que nous avons encore aujourd’hui à proclamer au monde, aux non-chrétiens, est le suivant : « ce Jésus que vous (c’est-à-dire en fait nous tous et chacun d’entre nous) avez crucifié, Dieu l’a ressuscité ! » Saint Paul, dans la première épître aux Corinthiens (15,1-26), dira que si le Christ n’est pas ressuscité, notre foi est vide, vaine, elle ne sert à rien. Forte affirmation ! Comment la comprendre ?

 

Le Christ n’est pas seulement mort pour nous. De nombreuses personnes sont mortes, de manière héroïque, pour leurs idéaux, pour les causes justes (ou qu’elles pensaient telles) qu’elles défendaient, pour le bien des hommes. Mais elles sont toujours et encore mortes… Jésus n’est pas seulement un homme qui s’est battu pour ses idées, très nobles, de pureté, de conversion, d’amitié retrouvée avec Dieu, de communion fraternelle entre les hommes ; cela est vrai mais ne suffit pas. Il faut même aller plus loin : Jésus n’est pas seulement mort pour les péchés des hommes, en offrant à Dieu le sacrifice expiatoire de sa vie, après s’être chargé, lui le Juste, des péchés des hommes. S’il n’y avait que cela, si Jésus était resté dans la mort, dans le tombeau, quelle « preuve » y aurait-il que sa vie n’a pas été qu’un échec, qu’il n’a pas fini comme simplement incompris des hommes, et surtout quelle preuve aurions-nous qu’il a bien libéré les hommes de l’aliénation de leurs péchés ?

 

Pour les premiers chrétiens, la Résurrection de Jésus est d’abord une « preuve » : preuve que cet homme là disait vrai ; preuve qu’il était bien le Messie attendu, et même bien plus que cela ; preuve que sa mort n’a pas été un échec, un accident, un raté de l’histoire qui laisserait ses disciples tristement convaincus d’avoir parié sur le mauvais homme, d’avoir fait le mauvais choix. La Résurrection montre que Jésus était vrai dans ses paroles, dans ses prétentions, dans l’offrande sacrificielle de sa vie. Dieu ne peut supporter de laisser dans la mort Celui qui a été son parfait Serviteur, qui se désignait lui-même comme le Fils de l’homme glorieux, qui est encore beaucoup plus que cela : son Fils bien-aimé. La Résurrection est la lettre de créance de Jésus, l’évènement qui montre à ses disciples, à tous ceux qui mettent leur confiance en lui, qu’ils ne se sont pas trompés, que Jésus ne les a pas trompés. En ce sens, l’évènement pascal est bien le fondement de la foi chrétienne, dans le sens de preuve que Jésus est bien le Christ, le Fils bien-aimé du Père, fait homme, qui a donné sa vie pour le salut des hommes. On en peut être chrétien sans croire en la Résurrection du Christ – et donc sans espérer la nôtre à sa suite, grâce à lui et en lui.

 

La Résurrection est aussi, et même d’abord, un évènement trinitaire. De la même manière que les trois Personnes divines avaient été à l’oeuvre ensemble, et en même temps chacune selon son mode propre, pour la création du monde, à l’aube de l’histoire ; de même, les trois Personnes sont à l’oeuvre ensemble, chacune selon son mode propre, pour cette oeuvre merveilleuse de re-création qu’est la sortie du Christ du tombeau. C’est d’abord le Père qui tire son Fils bien-aimé de la mort : « Tu es mon Fils bien-aimé, moi aujourd’hui je t’ai engendré » (Ps 2), c’est-à-dire moi aujourd’hui je te tire de la mort et je t’engendre à la vie nouvelle, qui n’aura pas de fin. Le Père exauce la prière présentée, avec un grand cri et dans les larmes, au Jardin des oliviers, par le Christ à celui qui pouvait le sauver de la mort (He 5,7). Le Christ se ressuscite lui-même: il est vrai Dieu et vrai homme ; comme homme, il a pu subir la mort , comme Dieu il a le pouvoir de donner la vie, de se donner la vie éternelle. Jésus disait déjà : « j’ai le pouvoir de déposer ma vie et de la reprendre. » (Jn 10,18). Enfin, la Résurrection est l’oeuvre de l’Esprit Saint : c’est l’Esprit qui a conduit Jésus jusqu’à la Croix (où il s’est offert « par un Esprit éternel », selon Hébreux 9,14), et c’est l’Esprit qui lui donne la vie divine au matin de Pâques, comme il avait donné la vie à toutes choses en planant sur les eaux au matin de la création (cf. Gn 1).

 

Cette vie nouvelle que le Christ reçoit, comme homme, est bien la vie divine, la vie bienheureuse qui n’aura pas de fin. La Résurrection n’est pas un retour à la vie terrestre ordinaire, normale, qui est la nôtre aujourd’hui. Lorsque Jésus a rendu la vie à Lazare (cf. Jn 11), il l’a tiré du tombeau, de la mort, l’a rendu à l’affection des siens, l’a restitué à la vie terrestre ; mais au bout de quelque temps, quelques années ou dizaines d’années – nous ne le savons pas en fait – Lazare est mort à nouveau, une seconde fois ; il est retourné au tombeau, où il gît encore, dans l’attente de la Parousie (retour glorieux du Christ à la fin des temps), de la résurrection générale des morts. C’est pourquoi il est plus exact, théologiquement, de parler non de la résurrection de Lazare, mais de la réanimation de Lazare. Il n’en va pas de même pour Jésus au matin de Pâques : ce n’est pas la vie terrestre qu’il reçoit à nouveau, mais une vie radicalement nouvelle, la vie même de Dieu, qui inonde son âme et son corps. Il reste celui qu’il était auparavant, il est toujours Jésus de Nazareth, mais en même temps il est compètement changé en son humanité, divinisé : c’est la raison pour laquelle ses amis et disciples ne le reconnaissent pas spontanément (c’est lui qui se fait reconnaître d’eux) ; son corps est toujours humain, il n’est pas une apparence fantômatique (d’où l’invitation de Jésus à Thomas de toucher la place des clous et la plaie au côté), mais en même temps ce corps échappe aux lois terrestres, il est capable de se manifester où il veut, quand il veut, comme il veut, d’entrer dans une pièce sans passer par une porte ou une fenêtre. C’est un corps glorieux.

 

Et cette puissance de vie divine qui éclate en Jésus au matin de Pâques, dans sa Résurrection, il veut nous la partager : nous avons déjà reçu la vie divine, trinitaire, au moment de notre baptême ; cette vie grandit invisiblement en nous, par la prière, par la grâce. Elle éclatera lorsque nous ressusciterons nous aussi à la fin des temps, lors que le Christ rendra nos pauvres corps semblables à son corps glorieux, nos pauvres âmes semblables à son âme rayonnante. Croyons et espérons !

                               Père Jean Noël Dol